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Jean Caze
A la croisée d'une dualité
culturelle
November
1, 2007 ------------------------------------------------------
La récente performance de Jean Caze
au dernier concours de trompette
organisée par le " Thelonius Monk
Institute " a comblé toutes les
attentes et propulsé dans l'arène
des grands du Jazz ce fils d'Haïti
qui dévoue une passion sans borne
à l'instrument de Miles Davis.
Arrivé aux USA très tôt, le trompettiste
a pu donc bénéficier de toute cette
structure mise en place pour encadrer
les jeunes talents dans le cadre
d'un effort soutenu pour la pérennisation
de cette grande musique que nous
chérissons tous. Détenteur de plusieurs
prix dans ce domaine, ce jeune américain
d'origine haïtienne a récemment
manifesté un intérêt soutenu pour
la musique de son pays d'origine.
Lors de son interview avec Karijazz,
il nous a même confié qu'il travaille
sur un nouveau projet de Kréyol
Jazz. Mais ce deuxième prix prend
aussi une valeur symbolique aux
yeux des amateurs de Jazz haïtien
qui voient se matérialiser une opportunité
unique de présenter notre musique
au monde entier. Les acteurs du
jazz au cours de l'histoire ont
toujours flirté avec la musique
et le symbolisme de notre pays pour
en extirper une certaine saveur
(Coltrane), ou bien pour exprimer
une certaine révolte (Mingus), ou
encore pour se distinguer dans des
campagnes publicitaires (L'imposture
d'Andrew Hill).
Cependant, aucun de ces artistes
n'est jamais retourné aux sources
pour comprendre la structure profonde
de cette musique et en extraire
l'essentiel. Les trésors de notre
expression musicale réelle se cachent
dans les montagnes d'Haïti où les
femmes et les hommes déambulent
les sentiers battus, improvisant
des mélodies qu'on n'entendrait
nulle part ailleurs. La musique
haïtienne qui touchera le monde
entier sortira de nos lakous où,
mélodies importées du Bénin et du
Congo (Zaïre) se sont fondues à
celles du terroir pour nous donner
des airs les plus originaux, sans
oublier cette manière surprenante
de les chanter ou de les fredonner
sur des fonds polyrythmiques.
A un moment où le jazz connaît une
de ces crises majeures (recherche
d'un nouveau souffle), les protagonistes
sont entrain de regarder ce qui
se passe ailleurs. Le choix des
gagnants de ce concours, durant
ces dernières années, toute catégorie
confondue, en dit long sur cette
démarche. Pour ne citer que celui-ci,
l'album " Flow " de Terence Blanchard
a été conçu dans cette perspective.
Le rôle joué par le guitariste Lionel
Loueke (Bénin) sur ce disque exprime
très clairement cette recherche
de symbiose avec d'autres cultures
en vue de redonner une certaine
vitalité à cette forme unique de
musique née en Amérique. Les travaux
d'Herbie Hancock aussi vont dans
ce sens. Tout ceci n'est pas très
nouveau en fait. La musique et l'art
classiques ont subit pas mal d'influences
qui leur ont permit de se régénérer
à travers le temps et l'espace,
et nous donner des compositeurs
et des artistes d'envergures à chaque
époque de leur histoire. On dirait
que... l'histoire se répète…
C'est dans cette perspective qu'il
faut voir le rôle de Jean Caze.
Il constitue peut-être l'élément
qui va initier une nouvelle fresque
historique entre le cours inextricable
de nos deux histoires avec tous
leur enjeux ethniques et culturels
qui rendent cette tâche, je dirais…
pas très facile.
For
KariJazz,
Alphonse Piard, Jr.
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